mercredi 20 mars 2013

Les équilibristes, un film de haute voltige

 
 
Nous sommes tous des funambules sur le fil de notre vie (bon je ne vais pas me mettre à chanter la chanson de Jenifer même si son "sur le fil de ma vie, je me perds parfois, à chercher l'équilibre je tombe" est plutôt juste #parenthèseoff) . En équilibre permanent, à jongler entre vie sociale, vie professionnelle et vie privée. Le fil est mince et relativement fragile. Il suffit d'un coup de vent, d'une secousse inattendue pour nous faire vaciller. C 'est ce que nous montre cette chronique d'une déchéance précipitée.
 
Une erreur de parcours, un coup de canif dans le contrat et le château de cartes s'effondre. C est ce qui arrive à Guilio, fonctionnaire, marié, 2 enfants dont la femme ne parvient à pardonner l'infidélité. Séparation de rigueur, charges excessives à assumer et un salaire bien insuffisant. Guilio voit sa vie chamboulée et ses repères totalement remis en question.
 
Ce sujet lourd et tristement d'actualité est brillamment traité. Sans larmoyement intempestif, en profondeur et sans jugement de valeur. Ironiquement, je lui trouve un bel équilibre à ce film. Les acteurs sont très justes et très bons. Valério Mastandrea est parfait dans le rôle du père aimant, complice et de l'homme bien dans ses baskets qui va petit à petit s'enfoncer dans une déchéance inextricable. La jeune Rosabell Laurenti Sellers campe une fille qu'on sent aimée, protégée et épanouie, tentant quelques échappées rebelles sous l'oeil amusé et indulgent de son papa. Barbora Bobulova n'est pas en reste en femme bafouée qui n'arrive pas à dépasser la blessure infligée par la tromperie de son mari. Le casting sert merveilleusement le film. L'attachement n'aurait pas été le même, la plongée en eaux troubles non plus sans ces acteurs qui portent littéralement le film sur leurs épaules.
 
Il est révoltant, et pourtant tellement légion de nos jours, de voir qu'un salaire ne suffit plus à s'assurer une tête hors de l'eau. Les charges, les loyers exorbitants (et les coûts qu'engendre une séparation) mettent le couteau sous la gorge de bien des ménages. Ce que montre ce film, c est à quel point un logement participe à la socialisation. Etre réduit à loger en transit chez des connaissances ou dans une pension qui ferme toute fenêtre sur le monde, c'est une régression dans la vie d'un homme (ou d'une femme), cela entraine de dramatiques conséquences sur l'estime de soi, sur l'image qu'on renvoie aux autres (à ses enfants en particulier) et cela remet en cause toutes les fondations sur lesquelles était bâtie notre vie. L'acuité avec laquelle est évoqué ce sentiment de précarité qui plane au dessus de nos têtes est étonnante. La place qui nous définit, le rôle qui est le nôtre auprès de notre famille, de nos amis et de la société plus généralement n'est finalement que temporaire et jamais définitivement établi. C'est cette ombre qui menace le plus commun des mortels que le scénario met en lumière. Cette ombre qui teinte petit à petit, qui détériore la vie d'un homme mais aussi par extension de ceux qu'il aime. Le final évite de sombrer trop profondément et est d'une subtilité émouvante. Un grand bravo pour ce soupçon de ciel bleu judicieusement distillé. Vous l'aurez compris, ce film injustement passé inaperçu m'a transporté et m'a touché. Alors si vous avez la chance d'avoir à proximité un cinéma qui le diffuse encore, n'hésitez pas un instant!
 
Je me permets quand même un petit coup de gueule. Pourquoi les réalisateurs sont-ils tellement friands de l'option cigarettes? Je trouve cela totalement déplacé ici. On voit Guilio douloureusement dépassé et frustré de ne pouvoir payer les 6 euros demandés pour que son fils puisse s'amuser dans une aire de jeu et tout le long du film, il ne se départit jamais de son onéreuse cigarette. Quel est l'intérêt, le but de l'opération? Personnellement chacun des plans où on le voit fumer a éveillé une petite voix furieuse et indignée...
 
 

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